Après « Eclats », Papa Ibnou Sarr sublime en poésie la Mecque en lui dédiant en 2012, un recueil de poèmes sous le titre « Effluves du paradis » avec les Editions Salamata-Edisal.
Papa IbnouSarr est juriste, administrateur culturel, ancien Président du Conseil exécutif de l’Institut culturel afro-arabe, écrivain, consultant. Officier et Commandeur dans l’Ordre national du Lion, Papa Ibnou Sarr est actuellement Conseiller technique au Grand Théâtre national de Dakar.
Ce recueil de beaux poèmes « Effluves du paradis » est préfacé par l’actuel Commissaire au pèlerinage, l’islamologue El Hadj Abdou Aziz Kébé. En ce mois béni du ramadan, Baobabafrique vous propose, ce vendredi 10 juin 2018, le texte du préfacier.
En lisant ce recueil de Papa IbnouSarr, on respire et on se remémore.
Deux cités : Makkah et Médine. Un messager digne de louanges, Muhammad. On aspire à un destin : la Paix !
Makkah, ville patrimoine, ville mémoire. Mémoire de l’alliance entre le Créateur et Abraham, père de la nation des monothéistes. C’est cette ville de mémoire et de pèlerinage, de souvenir et de projection vers l’éternité, d’introspection et de don de soi que Papa IbnouSarr nous chante. Dans un souffle d’amour et de passion avec un verbe au relent de révélation, parce que diffusant les mots qui dissipent les maux, pour la finalité ultime, la paix.
Ibnou entre dans la cité-mère par la porte 36, la porte de la paix, Bâb al-Salam. Avec allégresse, il répond à l’appel de la Paix, en scandant haut et fort tout en intériorisant dans l’intimité de sa conviction, « Je Réponds Présent, labbayka ! », je réponds présentpar reconnaissance de ta souveraineté absolue et par reconnaissance de Tes agréments et bienfaits à l’endroit de l’Humanité,« Innalhamdawan-Ni’matalakawal-Mulk ».
Et il a raison, Ibnou, de se souvenir et d’inviter « le peuple de l’islam, des cinq continents
A la rencontre des peuples de l’Arabie
Sur la terre d’Ibrahim
Sur les traces de Muhamad (psl).
Le texte de Papa Ibnou n’est pas un simple poème, il ne chante pas avec le rythme et la cadence de la métrique, il inspire la fusion avec l’Eternel dans un mouvement qui figure l’empressement du pèlerin, la fièvre du passionné d’Allah, le halètement et la tension de l’âme pour recueillir l’affluence des lieux et du maître des lieux. Et tout cela, Ibnou le sertit dans un écrin de subtilité et de raffinement que seuls les orfèvres de la parole savent ciseler.
« Bâb al-Salam s’ouvre au Monde
S’ouvre aux gens de saUmma
Suit et se défait de leurs pas
Suit le murmure de leurs prières
Suit le frissonnement de leurs lèvres
Jusqu’à la brise de leur souffle ».
Ibnou nous replonge dans Makkah al-Mukkarrama, cité-témoin, cité de l’appel originel d’où partent en écho tous les autres appels, ceux-là qui signifient.
« C’est le temps de l’Appel
De l’Appel du Créateur
Vers le point de convergence.
Aux antipodes des divergences
Se dressent Blancs, Jaunes et Noirs
Pauvres et riches
Dévêtus de leur identité ».
N’est-ce pas là un rappel que toute identité n’est que secondaire, devant la seule qui vaille, celle de la condition humaine qui ne connait ni couleur ni genre ni langue ni culture ? Elle est essence et essence universelle. Elle s’abreuve et se délecte des parfums qui s’exhalent de Bâb al-Salam, le portail de la paix.
De la Mecque, Ibnou émigre vers Médine, comme pour suivre les pas du Messager sur les pistes de la cité illuminée, al-madîna al-Munawwara. En ce moment où le Messager de la paix est objet d’abjects caricatures, IbnouSarr, comme pour réveiller les insouciants de leur torpeur et stimuler leurs sens à être plus attentifs, chante Muhammad. Il le chante en tant qu’être humain, fils d’Abdallah, dans une généalogie qui fait sens. Il n’est ni ange ni archange, il est porteur de mémoire et fils d’Adam. Mais il est aussi le citoyen de Médine, l’autre cité de la paix, le berceau du vivre-ensemble, pensé et initié par lui, le Messager de l’altérité.IbnouSarr a ce don de rappeler l’histoire, par l’évocation de ceux qui l’ont façonnée, avec un verbe si bien ciselé, un rythme qui éveille le cœur, une musicalité qui entraîne à les aimer puisque compagnons du prophète, au repos à Médine :
« Près du prophète Muhammad
Abou Bakr al-çiddîq
Omar ibn al-Khattâb
Guerriers mais politiques
Califes de l’islam
Endormis près de l’Ami
Veillent sur le pionnier
Sous l’ombre du Coran ».
En vérité, le poème sur Médine est une véritable fresque allant de la généalogie au triomphe de ce messager, chantant l’ascension et le voyage nocturne « sous le feuillage de sidrat al-Muntahâ,
Au loin s’entend le Muezzin d’al-Aqçâ ».
Bravo, Papa Ibnou, on ne se lasse jamais de lire ce beau poème.
Abdoul Aziz KEBE ,Islamologue