Il me faut parler politique, encore.
En fait, qu’est-ce que la politique ? L’on me dira que la réponse est toute faite, « c’est l’art de gérer la cité » !
Sous nos tropiques, elle a une toute autre signification, en mon intime conviction.
Et le sens qu’elle prend est ambivalent, car il dépend de la position où nous sommes, et elle a ceci de contradictoire que l’on ne parait pénétré d’idées géniales et pertinentes pour développer la cité que si l’on est du côté de l’opposition.
Sitôt passé au pouvoir, l’on serait comme l’albatros de Baudelaire !
Un sage ami me disait que l’homme sénégalais oublie l’histoire, dès qu’il accède au pouvoir.
Triste constat, tant il semble que les hommes de l’art ne semblent figurer qu’au panthéon d’une opposition dont la vision manichéenne n’a d’équivalent que celle du camp du pouvoir, la plupart du temps.
De leurs débats conflictuels, surgit une interrogation polémique, c’est celle de savoir en quoi la force du décret serait porteuse d’un miracle qui insufflerait la compétence, l’intelligence, le talent et la probité morale à l’impétrant qu’il promeut !
Finalement il me semble qu’il y a un jeu de dupes dont la grande victime est le peuple, toujours faiseur de roi mais éternel insatisfait, que le pouvoir sert avec les meilleures intentions, et que l’opposition cherche à embarquer dans une aventure dont le seul but est d’accéder au graal à son tour. Et au peuple alors, le rôle enviable de Sisyphe !
Si l’on parcourt les manchettes de la presse annonçant les grandes idées portées par les leaders d’opposition d’aujourd’hui, elles sont semblables en tous points aux théories portées par les tenants du pouvoir actuel quand ils étaient à leur place.
Finalement, il est à se demander s’il y a un discours convenu à vendre à la populace, un discours porteur de promesses dont la concrétisation parait impossible, dès que l’on change de perspective.
Tant que le débat politique ne sera pas factuel, tant que les grandes doctrines qui sous-tendent les idéologies politiques et charpentent les visions de société sur la base desquelles tout programme alternatif proposé aux concitoyens fera l’objet d’un débat citoyen, tant que ces grandes doctrines, disais-je ne structureront pas le champ politique, nous continuerons de végéter dans un système politique où le clair-obscur, le louvoiement et le tâtonnement seront les stratégies les mieux partagées, et ouvriront les portes à tout reniement ultérieur, dès lors que quiconque accédera au pouvoir ne sera redevable d’aucune obligation de rendre compte adossé à un contrat moral, avec une feuille de route clairement tracée et balisée par des indicateurs pertinents.
J’en suis fort triste.
Car, tout ce que le Sénégal compte d’éminences grises et d’intellectuels et d’experts semble s’être lavé les mains du sort de notre pays, pour laisser la place à des harangueurs de foule et autres Carpet Baggers qui parlent de sujets dont ils ne maîtrisent ni les principes ni la substantifique moelle, et contribuent par leur ignorance à instaurer de polémiques futiles, grandes débauches d’énergies où le superflu usurpe la place de l’essentiel, et nous précipite encore plus vers les profondeurs du sous-développement chronique où nous végétons avec agilité, contents de notre position de bénéficiaires statutaires de l’initiative PPTE.