Deux autres secrétaires d’Etat ont aussi jeté l’éponge dimanche soir, et d’autres pourraient suivre, dans ce qui est perçu comme un risque majeur de renversement de Theresa May par les plus ardents des Brexiteurs.
Il avait menacé de jeter l’éponge à plusieurs reprisesdepuis deux ans. David Davis, ministre chargé du Brexit, a finalement mis sa menace à exécution dimanche soir, peu avant minuit. Dans une lettre cinglante à Theresa May, il a en gros accusé la Première ministre britannique de trahir ses idéaux d’un pur Brexit, d’une sortie radicale de l’Union européenne et «d’affaiblir ainsi la position de négociation du pays». Peu après, Steve Baker et Suella Braverman, deux des secrétaires d’Etat, sur cinq, du DexEu (Department for the Exit of the European Union), le ministère de David Davis, annonçaient aussi leurs démissions.
Theresa May était pourtant apparue renforcée vendredi soir avec l’annonce d’un accord gouvernemental sur la forme du Brexit souhaitée pour le pays. Après avoir bouclé ses ministres une journée entière à Chequers, la résidence de campagne des Premiers ministres britanniques, sans accès à un téléphone portable, elle avait annoncé avoir rassemblé autour d’elle l’ensemble de son cabinet. Ce dernier venait de passer deux ans, depuis le référendum du 23 juin 2016, à se déchirer sur le Brexit. La date officielle de la sortie de l’UE du Royaume-Uni est fixée au 29 mars 2019.
Vote de défiance
Toute la journée de vendredi, les médias avaient guetté d’éventuelles démissions. Mais la réunion au sommet s’était achevée dans le calme et Theresa May avait affirmé que son cabinet était désormais uni derrière sa proposition de négociations avec l’UE. Elle devait présenter son plan – un accord de libre-échange avec une forme d’union douanière pour les biens et une fin de la libre-circulation des personnes mais avec éventuellement des aménagements pour la situation des Européens – dans un «white paper», un projet, dont la publication était prévue jeudi. Ce «white paper» devait servir de base aux futures négociations avec l’UE. Sachant que cette dernière doit encore produire sa réaction à cette nouvelle stratégie. En rassemblant son cabinet derrière une version d’un Brexit jugée la plus légère possible pour éviter une catastrophe économique, Theresa May avait signé pour certains la fin du Brexit dur espéré.
Finalement, le programme de la semaine de Theresa May risque d’être fortement chamboulé, voire totalement bouleversé. Le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson, un autre ardent Brexiteur qui convoite avidement et depuis toujours le poste de Premier ministre, devait s’exprimer lundi matin pour préciser sa position. Par ailleurs, dans la nuit, des rumeurs couraient sur l’envoi massif de lettres au Comité 1922 du parti conservateur pour demander l’organisation d’un vote de défiance contre Theresa May. Le Comité 1922 regroupe les députés conservateurs qui siègent à la Chambre des communes. Pour organiser un vote de défiance, le président de ce groupe, Graham Brady, doit recueillir les demandes de 15% de ses membres, soit 48 députés. Dans la nuit de dimanche à lundi, le nombre des lettres des députés s’approchait dangereusement de ce seuil.
Programme bouleversé
Si un vote de défiance est organisé et que Theresa May perd, elle serait contrainte de démissionner pour ouvrir la voie à une course au leadership du parti conservateur. Au Royaume-Uni, le chef du parti doté d’une majorité au parlement devient automatiquement Premier ministre. L’élection d’un nouveau chef du parti tory se passe en deux temps. Les députés conservateurs se mettent d’abord d’accord pour désigner deux candidats, puis le vote est soumis à l’ensemble des membres du parti. La démission de David Davis confirme le sentiment que les Brexiteurs les plus virulents ont perdu.
Theresa May a en effet choisi de suivre les recommandations de la plupart des acteurs économiques qui ont mis en garde ces derniers jours contre les conséquences désastreuses d’une sortie trop radicale de l’UE. Theresa May doit, en principe, se rendre au sommet de l’OTAN à Bruxelles en milieu de semaine, avant d’accueillir jeudi soir à Londres pour une visite de deux jours le président américain Donald Trump. En ce lundi matin, rien ne dit que ce programme ne sera pas profondément bouleversé.