Trois étudiants ont été abattus par balles réelles dans les campus universitaires par les forces de police entre 2001 et 2018 ; ce qui fait une moyenne d’un mort tous les cinq ans et demi. Et, si on apporte la correction que les deux derniers étudiants tués le sont en l’espace de quatre ans (2014-2018), le prochain sur la liste le sera très probablement en 2021, au plus tard. Il n’y a aucune divination ni lecture de cauris, c’est juste du bon sens.
Et que personne n’en soit surpris, les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, aucune touche cosmétique (limogeages du recteur et du directeur du CROUS) n’y faisant rien.
C’est tout le système qui est en cause.
Si les meme problèmes et les mêmes mauvaises réponses se répètent depuis tant d’années, c’est parce qu’il y a sabotage ou incompétence ou, pire encore, une combinaison des deux. De simples situations de procédures qui entrainent mort d’homme ne devraient plus jamais se reproduire si on exclut le sabotage et l’incompétence. Seuls le sabotage et l’incompétence peuvent justifier une telle catastrophe répétitive. D’ailleurs, aucune autorité ne démissionne après coup.
L’actuel modèle d’enseignement universitaire du Sénégal est totalement démodé. Hérité de la colonisation française, son contenu et son cadre ne sont plus du tout appropriés aux exigences du savoir, savoir-faire et savoir-être du monde moderne. Les enseignements ne préparent pas aux métiers présents et futurs, les enseignants sont démotivés, le cadre est repoussant, les étudiants en sortent comme s’ils étaient retenus de force dans une grande garderie pour adultes. Ils ne maitrisent ni la langue ni ne sont créateurs, inventeurs, innovateurs, transformateurs, producteurs.
Le modèle des bourses généralisées est né d’une démagogie politicienne et ne tient pas en compte deux paramètres essentiels dans le monde universitaire d’aujourd’hui et de demain : la performance et le financement. 36.000 ou 18.000 FCFA mensuels ne permettent pas aux étudiants de se prendre en charge décemment ni au système universitaire d’être financé pour la mise à jour des programmes, la rénovation du cadre, la recherche-développement et la motivation des enseignants. Ce modèle des bourses est dépassé et doit être remplacé en urgence par un système de prêt-étudiants de trois millions FCFA par an pendant trois ans, ce qui fait neuf millions. A charge pour l’étudiant de rembourser sur dix ans après ses études. L’assistanat crée un état d’esprit régressif et inhibiteur. Il s’agit de créer un modèle universitaire totalement différent du présent.
Les règles d’engagement des forces de police dans les manifestations estudiantines sont aussi dépassées. Tirer à balle réelle sur des étudiants réclamant ce que l’Etat s’est engagé à leur donner est juste inqualifiable. Dans le modèle anglais, seul un policier sur 20 est armé dans le pays, ce qui va jusqu’à donner l’impression que les policiers anglais ne sont jamais armés. On n’y entend pas parler de bavure policière, encore moins d’étudiants abattus à répétition.
Et, bien-sûr, les responsables démissionnent si cela avait le cas.
Il nous faut un autre modèle d’université, un autre modèle de police, un autre modèle de société.
Rita Mae brown : « La folie consiste à répéter les mêmes choses et à espérer avoir des résultats différents ».